Introduction à une phénomélologie de la perception ostéopathique dans le champ crânien

Emmanuel Roche D.O

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La perception ostéo. Site de l'ostéop
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« L’homme est la machine de toutes les machines.(… ) Et c’est l’Esprit de Vie qui commande cette machine, et son action involontaire. »  

A .T Still 

 « Si vous vous avez compris le mécanisme,   la technique est simple . »

W. G  Sutherland  

 

 

 Durant sa vie professionnelle,  l’ostéopathe accomplit  une véritable odyssée perceptive  au cours de laquelle il explore et approfondit, étape par étape,  sa connaissance du corps vivant et son habilité à rétablir la santé de son  patient en corrigeant les interférences mécaniques entravant le libre flux des forces et des nourritures entre les parties . 

 

D’abord formé à la bio-mécanique, il développe un sens palpatoire lui permettant d’appréhender et de traiter par manipulations et mobilisations   les déséquilibres  de mobilité du corps physique. Plus tard, abordant l’ostéopathie dans le champ crânien, il découvre au-delà des sens physiques la possibilité d’écouter, de voir, de ressentir, d’avoir un ``toucher connaissant ‘’  lui permettant de travailler plus profondément et efficacement avec les forces naturelles de l’organisme .

 

 Au fur et à mesure de ses progrès perceptifs  et de son exploration, l’ostéopathe fait  l’expérience d’un dévoilement qui lui révèle graduellement sa capacité à communiquer avec le corps et ses fonctions. 

L’histoire de la pratique ostéopathique est ainsi proprement l’histoire de l’exploration et de la  progression  des possibilités  de percevoir, directement sans médiation instrumentale, l’anatomie et ses fonctions. 

Entré en ``communication corporelle’’ empathique    l’ostéopathe va jusqu’à ressentir sur lui-même  plus ou moins consciemment comme en écho  le schéma corporel de son patient .

 

Divisant son attention   entre l’objet anatomique qu’il explore et son propre fond perceptif, entre  le tout et la partie , il crée un espace réceptif intérieur capable d’intelligence sensible .

C’est l’observation vigilante  des réactions et variations de son continuum perceptif intérieur sensible,  qui constitue pour l’ostéopathe  l’organe perceptif essentiel, sa boussole.

L’ostéopathe fait ainsi, plus ou moins consciemment,  une expérience phénoménologique  en devenant plus conscient des aspects  invariants qui  structurent sa perception .

Dans l’approche de l’ostéopathie dans le champ crânien,  il devra apprendre  à « laisser la fonction physiologique manifester son potentiel inhérent plutôt que d’utiliser une force aveugle venue de l’extérieur » .

Longtemps, il devra se battre avec une tendance naturelle à ``vouloir faire’’ sans l’intelligence préalable d’une véritable écoute,  lui  permettant d’établir  une vraie communication. Identifié à ses mains il devra peu à peu  apprendre à ne pas se confondre avec le patient ; libérer ses mains, les rendre transparentes et trouver la juste distance lui permettant de connaître plus clairement le corps de son patient.

 

Au-delà de l’analyse des sensations et informations physiques,   apportées par la seule palpation et l’observation visuelle,  la tradition ostéopathique  enseigne   donc de façon plus ou moins consciente à ressentir par empathie et à connaître directement l’état du corps du patient. 

Cela est rendu possible par la synchronisation et l’union ``co-active’’ des systèmes nerveux de l’ostéopathe et de son patient. L’échoïsation du schéma corporel du patient sur lui-même  informe et anime la capacité de l’ostéopathe à connaître directement à mesure de sa culture anatomique consciente  l’organisation anatomique du corps et son fonctionnement  . 

Il faut alors  distinguer la sensation  donnée par la palpation à travers le tact,  de l’image anatomique consciente  ressentie et animée par empathie que cette palpation informe et vérifie. 

 

La fonction symbolique, la qualité, la forme des images mentales invoquées et proposées au corps vivant   semblent nous permettre de rentrer en résonance et en communication plus ou moins profonde  avec le corps du patient, son anatomie, ses  fonctions, ses rythmes et son espace.

 

Plus loin dans sa progression l’ostéopathe peut, à travers sa perception consciente, découvrir l’existence d’une présence intelligente cachée derrière les mécanismes du corps.  Plus il deviendra conscient de la présence de cet esprit de vie qui centre et anime son patient, plus il obtiendra de cette intelligence active une collaboration efficace .  Ce partenaire silencieux peut alors devenir un véritable interlocuteur actif et comme dans toute communication la qualité de la  réponse sera fonction de la forme et de la clarté de la demande.

 

Si je n’ai pas l’image préalable de ce que je perçois, je ne perçois que le comportement d’un ensemble indistinct à la signification floue.

Les modèles théoriques et philosophiques utilisés et enseignés traditionnellement dans les différentes approches ostéopathiques fonctionnent donc comme autant de cadres conceptuels qui influencent et finalement déterminent  la perception ostéopathique.

 

Si l’arbre ostéopathique a déployé beaucoup de branches différentes, toutes les approches authentiquement ostéopathiques sont nées  d’un tronc central commun constitué à sa base par la philosophie  ostéopathique du fondateur AT Still à la fin du 19e siècle  et à son sommet par le développement de l’ostéopathie dans le champ crânien  à partir de 1939  par WG Sutherland.

 

À travers ces modèles,  des ostéopathes expérimentés témoignent du chemin perceptif  et  pratique  qu’ils ont parcouru. Plus tard, empruntant la même voie, leurs élèves ont la joie de vivre les mêmes expériences d’élargissement de leur conscience et de leur capacité thérapeutique.

 Durant  ces moments heureux résonne l’enseignement de leurs professeurs qu’ils n’avaient jusque-là compris que dans sa forme et non dans son fond. La similitude et la justesse descriptive de ce qui est alors vraiment connu font reconnaître par l’élève  la valeur de la tradition transmise .

 

 Il existe aujourd’hui, pour simplifier,  trois grands modèles conceptuels ostéopathiques  : un  modèle bio-mécaniste renvoyant à une approche dite structurelle, un  modèle vitaliste dans lequel s’inscrit l’ostéopathie dans le champ crânien  et enfin un  modèle spiritualiste dont l’approche bio-dynamique est le meilleur exemple. 

 

Ces modèles sont évoqués ici afin de présenter les différentes approches techniques ostéopathiques en rapport avec les grands  cadres conceptuels qui les sous-tendent. Mais  la plupart des approches ostéopathiques ne se limitent pas à être purement ``bio-mécanistes’’, vitalistes ou spiritualistes. Elles contiennent nécessairement, en proportions variables et plus ou moins explicitement des éléments des trois modèles.

 

C’est même là, le critère permettant de distinguer les approches véritablement ostéopathiques d’approches n’ayant d’ostéopathique que l’étiquette. 

 La philosophie ostéopathique est fondamentalement holistique  et s’adresse à un patient ayant un corps, une âme et un esprit.  La  philosophie  médicale  ostéopathique  transcende  donc ces modèles en les conciliant tous et est tout à la fois bio-mécaniste, vitaliste  et spiritualiste. 

 

Une expérience perceptuelle complète de l’ostéopathie commence naturellement par assimiler l’approche ostéopathique  mécaniste et à travers elle l’anatomie de l’homme  «  machine de toutes les machines  »  puis à travers l’ostéopathie dans le champ crânien l’ostéopathie vitaliste ouvrant à la perception  des ``fluides ‘’ et enfin le modèle spiritualiste bio dynamique qui en prolonge et complète les possibilités en élargissant la connaissance de « l’Esprit de Vie qui commande cette machine, et son action involontaire  . 

Un ostéopathe qui serait d’emblée et seulement formé à l’approche  vitaliste  et bio-dynamique sans assimiler d’abord  l’approche mécaniste et l’anatomie se serait construit comme une maison sans fondations solides pour sa perception à venir et risquerait de s’égarer .

Comme Icare il court le danger de se perdre dans le ciel et de se brûler les ailes au soleil . 

 

À chacun de ces modèles correspond une représentation particulière de la physiologie, de la pathologie, de la complexité vivante  et des possibilités thérapeutiques offertes par l’ostéopathie. En prédéterminant les informations qu’il sera nécessaire de recueillir, afin d’évaluer les fonctions du patient et donc sa santé, les modèles déterminent l’orientation et la qualité de la perception  que développe l’ostéopathe.  

 

 En voyageant du modèle mécaniste au modèle spiritualiste bio-dynamique en passant par le modèle vitaliste, nous découvrirons qu’au travers de ces  cadres conceptuels,  les ostéopathes expérimentent et approfondissent leur perception consciente  en  passant successivement d’un modèle dominé par la perception de la forme sensible  puis par celle de la forme imaginale  et enfin à un modèle ouvrant la perception vers la forme intelligible et au-delà. 

 

 

 

A / Le modèle bio-mécaniste= le modèle structurel : on soigne à travers le traitement de la mobilité articulaire et tissulaire. L’action est mécanique et la réaction espérée est une réponse  réflexe neurologique d’autorégulation ayant un impact général sur la santé.  

Ainsi le modèle mécaniste développe   un point de vue assimilant la dysfonction somatique ostéopathique  à une rupture d’équilibre  dans l’architecture des forces mécaniques composant et animant  le corps. Il  invite donc à rechercher et évaluer, par la palpation et des tests cliniques, la mobilité mécanique des éléments qui le composent. 

Ici,  l’accent sera mis sur une perception des informations recueillies par la palpation manuelle et la mobilisation articulaire ou tissulaire. Outre les éléments pathognomoniques , analysés classiquement en médecine, seront recherchées des variations anormales ou relatives  de la symétrie corporelle,  de la densité,  de la dureté, de l’élasticité, de la mobilité … 

Dans ses tests bio-mécaniques, comme dans les techniques thérapeutiques ostéopathiques manuelles qu’il met en œuvre, l’ostéopathe utilisant le modèle bio-mécaniste cherche essentiellement à évaluer et modifier  les qualités de barrières de tension articulaires ou tissulaires. 

   Afin d’évaluer ces qualités, l’ostéopathe fait appel à son expérience et à sa mémoire palpatoire. Son expérience clinique lui sert de référence et lui permet de comparer les qualités perçues. Comme un facteur réglant un piano, c’est parce qu’il connaît les qualités bio-mécanique du corps en bonne santé qu’il peut en dépister les anomalies. Sa conscience perceptive compare les qualités perçues aux qualités de références de tissus en bonne santé. 

 Les manipulations correctrices   résultent d’une mise en tension articulaire ou tissulaire obtenue par l’action d’un ou plusieurs  bras de levier appuyés sur un fulcrum  mécanique fixe ou en mouvement relatif.   L’expérience fait acquérir au praticien utilisant les techniques de mobilisation et de manipulation à basse, moyenne ou haute vélocité un sens du mouvement et du rythme juste permettant un passage efficace  des forces à travers l’articulation ou le tissu dont il désire restaurer la mobilité.

Le modèle bio-mécaniste est le modèle scientifique et légal de référence et correspond à une conception restrictive de la médecine ostéopathique  qui se confond ici avec  la vision orthopédique et rhumatologique des thérapies manuelles. Soucieux de correspondre au modèle scientifique dominant,  le modèle ostéopathique bio-mécaniste cherche plus une cohérence scientifique lui permettant de communiquer, qu’une cohérence avec la profondeur de l’expérience perceptive et clinique  vécue par les ostéopathes  intégrant nécessairement à terme des éléments du modèle vitaliste. 

Le corps physique tout entier peut être ainsi abordé et perçu  en terme de densité masse, mobilité et traité en tant que tel.  

Les fondements physiologiques du modèle ostéopathique mécaniste font essentiellement appel à des notions  neuro-physiopathologiques qui expliquent la dysfonction somatique par des troubles réflexes affectant les tissus articulo -ligamento-musculaires et plus loin toutes les fonctions en relation avec le système nerveux central, périphérique et autonome. Ici la mission de l’ostéopathe est de rétablir à travers ses manipulations l’intégrité fonctionnelle du corps articulo-ligamento-musculo-squeletto –nerveux conçu comme un système complexe  en tenségrité. La clé de l’efficacité est ici d’agir  sur le système nerveux et ses boucles réflexes segmentaires  afin d’obtenir une équilibration de fonctionnement du système nerveux autonome permettant une restauration de la mobilité articulaire et une amélioration de la vascularisation   tissulaire et organique. 

L’académie américaine d’ostéopathie a, en 1981, substitué à la vieille notion de lésion ostéopathique la notion de dysfonction somatique   et peu à peu, notamment sous l’influence d’impératifs économiques et légaux , a modifié sa définition de la dysfonction somatique  en prenant un parti exclusif pour le modèle bio-mécaniste musculo-squelettique. 

Nous pouvons craindre qu’en se réfugiant  ainsi,  honteusement derrière le paradigme dominant, la médecine ostéopathique renonce à se développer et à se réaliser dans sa vraie dimension de médecine holistique  pour rester confinée principalement dans le seul traitement des troubles musculo-squelettiques. 

C’est en assumant sa dimension vitaliste et en approfondissant le cœur de son art qui est de percevoir et de communiquer plus consciemment avec l’esprit de vie qui anime le mécanisme vivant que la médecine ostéopathique offre sa plus grande richesse thérapeutique et peut enfin réaliser le vrai dessein de son fondateur le Dr AT STill. 

 

B/ Le modèle vitaliste  

 Philosophiquement et historiquement les grands principes de l’ostéopathie posés par AT Still  renvoient  à une conception essentiellement vitaliste    de la médecine ostéopathique. 

C’est le développement par le Dr WG Sutherland D.O, à partir de 1929, de l’ostéopathie dans le champ crânien qui va donner à l’ostéopathie l’opportunité d’explorer plus clairement son fondement vitaliste. 

D’abord expérimentée dans un cadre conceptuel bio-mécanique, l’ostéopathie dans le champ crânien, connaît un changement majeur en 1948, 6 ans avant la mort de son fondateur en 1954.

Ce tournant majeur est l’abandon par WG Sutherland d’une approche exclusivement mécaniste dans le champ crânien au profit d’une pratique découvrant et explorant les possibilités thérapeutiques que confère l’accès direct au principe vital, puissance immobile perçue à travers les fluides.

 Pour des raisons, essentiellement liées au contexte politique de la difficile  reconnaissance professionnelle de l’ostéopathie  américaine dans les années de la guerre froide,  les élèves de WG Sutherland, soucieux de ne pas bousculer trop la majorité de leurs confrères D.O, ont préféré ne pas communiquer clairement au début des années 1960 sur l’approche vitaliste dite fluidique de l’ostéopathie dans le champ crânien. 

Ainsi, le manuel de référence  en ostéopathie dans le champ crânien,  le Harold Magoun  a-t’-il connu plusieurs éditions  qui l’ont progressivement expurgé de ses éléments scientifiquement gênants et donc politiquement incorrectes. 

C’est à une relecture attentive de la première édition du Harold Magoun, contenant le plus clairement une approche vitaliste, que les ostéopathes dans le champ crânien ont du se consacrer à partir des années 1990 pour continuer l’exploration d’une voie dont ils avaient perdue les clés d’accès .

C’est cette redécouverte, par le Dr James Jealous D.O, qui est à l’origine de l’élaboration dans les années 90 du programme d’enseignement  Bio-dynamique de l’ostéopathie dans le champ crânien. 

Ainsi donc, à partir des années 40, confrontés à une perception et à une expérience clinique dont le modèle mécaniste ne rendait pas compte,  WG Sutherland et ses élèves, au premier rang desquels Rollin Becker, ont relu AT Still  entre les lignes et ont poursuivi l’exploration qu’il avait initié.  

Pour explorer la micro-mobilité des sutures crâniennes et du système nerveux central,  WG Sutherland a su développer une très fine palpation aux limites de laquelle on découvre l’importance de la perception par visualisation consciente et la possibilité, au-delà de la palpation,  de communiquer consciemment  avec les tissus à travers la Vie qui les anime.

Ainsi déclare-t’-il dès 1943 dans une correspondance : 

«La construction d'une image mentale peut vous aider à reconnaître et à sentir le mouvement des hémisphères. Une façon de le faire est de plonger à l’intérieur du crâne mentalement et de prendre un poste d’observation assis sur le foramen magnum et donc d’avoir une position de visualisation  de l'activité ainsi que de la sentir. L'une des clés diagnostic et technique fondamentale est la capacité d’obtenir et de visualiser de l’intérieur du crâne mentalement toutes les activités en cours . »

WG Sutherland, en 1948, après 50 ans de pratique arrête les tests de mobilité des os, diagnostique et traite en collaborant avec la Puissance intelligente de la Marée. 

Il commence à expérimenter le Still-point et déclare : « soyez aussi loin que possible de votre toucher physique ; ayez le toucher profond, la sensation spontanée, sentir sans palper. » 

L’apprentissage des bases de l’ostéopathie dans le champ crânien se fait d’abord dans le cadre d’un modèle mécaniste rassurant, il s’agit de mobiliser les os du crâne, leurs sutures et de ``faire lâcher’’ des densités.

Mis au défi de percevoir des micro-mouvements  l’ostéopathe découvre à travers  l’apprentissage de l’écoute tissulaire, au-delà du contact physique  l’effet de son attention et de son intention sur les réactions tissulaires.

  L’approche tissulaire  développée indépendamment par Pierre Tricot D.O arrive elle aussi par une réflexion originale et des chemins parallèles à  se déployer dans le cadre d’un modèle à  la fois mécaniste, vitaliste et  spiritualiste et  à l’idée que tout le corps est conscient. Celui-ci s’appuie, au-delà d’une lecture attentive des textes de la tradition ostéopathique dont il est en France le principal traducteur, essentiellement  sur la réflexion d’auteur comme Arthur Koestler dans ``Janus’’, Edgar Morin dans ``La méthode’’ et de Stéphane Lupasco  dans ``Les trois matières ‘’.

 Ensuite, mis au défi de sentir le mécanisme respiratoire primaire animant, d’après WG Sutherland et ses élèves, rythmiquement le corps tout entier, l’ostéopathe quitte peu à peu les sens physiques du toucher pour découvrir le toucher connaissant   décrit par  WG Sutherland.  

Ce toucher connaissant, WG Sutherland y fait constamment référence à travers sa fameuse formule des  «doigts qui sentent, voient, pensent et savent ».  Comme le dit Isabelle Schmidt  : « Il étend, d’emblée, la notion palpatoire à une notion perceptive, incluant les considérations de Merleau-Ponty , à savoir l’unité du corps et  de l’esprit. »

 

Voici les qualités que W.G.Sutherland attribue aux doigts :

 

  Les doigts qui sentent :

 

« Votre but doit être de ressentir les tissus. Qu’il s’agisse de la sensation d’un fin parchemin, d’une sensation de bouillie, d’une délicate sensation de dentelle, ces perceptions vous disent quelque chose sur ce qui se trouve à l’intérieur des tissus… et peuvent servir à votre diagnostic ou à votre technique. C’est grâce à cela que vous devez pénétrer les tissus et voir l’image de ce qu’ils sont . »

 

Les doigts qui voient :

 

La visualisation est un outil majeur de W.G.Sutherland. L’exemple le plus significatif est «la Promenade du Vairon  » - « the Tour of the Minnow » . Il en existe plusieurs versions, car W.G.Sutherland a improvisé cette «promenade touristique » à la fin de certains cours sur le concept crânien, mais l’idée générale reste la même. Elle permet aux auditeurs de visualiser l’anatomie et la physiologie du mécanisme crânio-sacré.

 

Voici comment débute ce périple :

 

« Enfants, nous démontrions fréquemment une vigoureuse faculté : l’aptitude à déployer notre imagination. Le Créateur de l’Univers avait de l’Imagination, imagination avec un grand « I ». Sans elle, aucun Univers n’eût été créé. Je vous demande maintenant de faire usage de cette faculté et de m’accompagner dans un périple touristique. Une traversée dans le fluide cérébro-spinal, ce grand corps liquide puissant et fluctuant. Éveillez cette imagination, la vôtre, et venez avec moi escorter un petit vairon, un vairon fluorescent, capable d’allumer ou d’éteindre sa lumière à volonté, pendant qu’il explore, cherche et raisonne. Il progresse grâce à ses nageoires et réalise que ses mouvements font fluctuer le fluide cérébrospinal … »

 

Nous pouvons noter que A.T. Still, lui aussi a eu recours à ce type d’exploration. Voici un extrait de l’exploration proposée par A.T. Still :

 

« Une exploration Nous devons lancer notre vaisseau d’exploration au niveau de l’aorte et flotter dans ce courant vital, observer le capitaine lorsqu’il décharge les provisions pour le diaphragme et tout ce qui est sous lui. Nous devons le suivre et regarder quel bras de cette rivière mène à un petit ou gros orteil ou aux confins du pied. Nous devons traverser les eaux de la mer Morte en passant par la veine cave, et observer les bateaux chargés de sang épuisé et usé, comment il est chargé et ramené vers le coeur, avec tout ce qui vient de sous le diaphragme. Examinez attentivement le vidage des grandes et petites veines azygos avec les veines des bras et de la tête, dans lesquelles se déversent de grandes et petites rivières jusqu’à la veine innominée sur leur trajet jusqu’au grand hôpital de la vie et de la nutrition, dont le coeur est l’officier d’intendance, dont le mécanisme final est le poumon  … »

 

 Les doigts qui pensent :

 

« L’ostéopathe est un penseur, non un bricoleur, ses doigts, lorsqu’ils sont bien entraînés possèdent à leurs extrémités, l’art de penser intelligemment. Pour cette raison, la technique ne peut pas être démontrée à travers une série de manipulations . »

 

Les doigts qui savent :

 

« Vous m’avez vu faire ce diagnostic pendant l’application des doigts qui voient – sentent – pensent – ces doigts qui cherchent à s’éloigner du toucher physique, qui vous mènent au toucher connaissant    . » 

 

 Superposée et au-delà du corps physique apparaît avec WG Sutherland et en continuité avec AT STill, la perception d’un corps fluidique recélant une puissance. Épousant intimement la forme du corps physique,  sa perception rend intelligible l’animation du corps anatomique par le souffle de vie. 

 Ressentie comme un plasma ductile, un champ énergétique opposant une résistante élastique le corps fluide désigne une réalité sensible au contour palpable, mais peu intelligible. 

 C’est en passant d’une conscience extérieure des fluides dans leurs formes à une conscience en accord avec la respiration primaire qui les anime que l’ostéopathe pénètre  dans le royaume de la vision plus consciente de l’anatomie vivante et de ce qui entrave l’expression de la Santé de son patient. 

Cette transition, que WG Sutherland décrit à la fin de sa vie, est l’étape centrale qui permet de pénétrer vraiment dans la science médicale ostéopathique  rêvée par  At Still et WG Sutherland. 

 La porte pour entrer dans cette réalité imaginale , passe par la capacité d’établir  une division de l’attention  partagée entre la création d’une image symbolique et la conscience de l’influence qu’en réponse  la réalité objective exerce sur cette image devenue vivante .

La clé permettant d’ouvrir cette porte est la capacité à synchroniser son attention avec ``l’activité du fluide’’ sans la perturber. Cela peut se comparer nous dit Anne Wales, « au problème qui se pose à un cavalier désirant monter un cheval en mouvement. Le cavalier doit être lui aussi en mouvement afin de trouver ce moment de tranquillité relative (stillness) qui lui permettra de monter avec adresse. Une fois en selle, il s’adapte lui- même à l’allure du cheval au moment où il saisit les rênes   ».

En observant ainsi le corps vivant, l’ostéopathe découvre que loin d’être stable l’image ressentie est animée  par un véritable rythme cyclique passant comme une respiration de la dilatation au repos de l’espace dans lequel elle s’inscrit . WG Sutherland décrit-il ainsi une respiration primaire au sein de laquelle le corps tout entier et ses parties répondent à cette respiration spatiale par des rotations internes ou externes et des flexions extensions .  

  Comme le dit Rollin Becker : « Notre compréhension des mécanismes corporels s’améliorant, nous nous rendons compte que toutes activités normales au sein des différentes structures du corps – qu’il s’agisse des os, des ligaments, des membranes, des fascias, des organes ou des liquides –, semblent opérer à partir de points d’appui en suspension capables de déplacements automatiques   », les Fulcrums . 

 

L’idée selon laquelle la Puissance réside dans ce  point pivot ou fulcrum  immobile  sur lequel s’appuie le bras de levier est un principe  mécanique et perceptif  fondamental de la philosophie clinique ostéopathique. 

 

Nous devons comprendre que cette idée a été étendue par WG Sutherland du mécanisme articulaire et membraneux au corps fluide :  

 

« Je désire que vous attachiez vous aussi de l'importance au fulcrum, pas seulement à celui qui se trouve dans le mécanisme articulaire membraneux, mais plus spécialement le still-point de la fluctuation du liquide céphalo-rachidien. Vous arriverez là plus près de la compréhension de ce que le Dr Still voulait dire quand il parlait de l'élément le plus noble connu dans le corps humain vivant . »

 

Inspirée par son ami le physicien Walter Russel , le Dr Sutherland fait sienne l’idée que le mécanisme respiratoire primaire est régit par une loi d’échange rythmique équilibré sur des fulcrums  entre toutes ses composantes et son environnement :

  «  Un levier bougeant sur ses fulcrums, exprime l’idée de puissance par le mouvement, mais l’idée de puissance est dans le fulcrum immobile, source de puissance. Elle n’est pas dans le levier en mouvement. S’il ne possède pas l’immobilité du fulcrum à partir duquel prolonger l’apparence de la puissance, le levier est à la fois sans puissance et sans mouvement. » (Russell 1994, 39). 

 

Ainsi le Dr Sutherland déclare-t-’il : 

  « Un fulcrum est un mécanisme immobile ; le levier bouge sur lui et en tire sa puissance. En cours d’utilisation, la position du fulcrum sur le levier peut se trouver modifiée mais il demeure un mécanisme d’équilibre immobile à partir duquel le levier opère et obtient sa puissance. Lorsque le technicien crânien visualise clairement le fonctionnement de ce mécanisme, et ressent le toucher connaissant, il a l’impression que tout devient vivant  . »

 

C’est la capacité d’écoute et de synchronisation avec les fulcrums tissulaires ou fluidiques qui confère à l’ostéopathe sa capacité à influencer et améliorer les échanges rythmiques équilibrés au sein du corps.

 

En synchronisant son attention avec la puissance immobile résidant au sein du fulcrum,  l’ostéopathe permet à l’ensembles des forces considérées de parvenir à un point d’équilibre à travers lequel le souffle de vie peut démarrer ou re-démarrer le mouvement et la fonction.

 

L’utilisation clinique de cette notion fondamentale en ostéopathie dans le champ crânien a été  le mieux formulée dans son principe dans un article du Dr Thomas Schooley D.O , Le fulcrum :  

 

 

 

 « Si toute matière est en mouvement, et

Si tout mouvement est fluctuant dans sa phase primordiale, et

Puisque la fluctuation est composée de deux cycles , un d'expansion et un de contraction,

Alors la fluctuation est forcément rythmique.

Si une phase est opérée par l'autre, alors il doit exister un échange mutuel de quelque facteur énergétique entre les deux phases de fluctuation.

Si la fluctuation se produit à tout coup, il doit exister un point central d'où elle naît; ce point ne présente par conséquent aucun mouvement et peut donc être appelé le Fulcrum.

De la même façon, on peut considérer qu'existe un fulcrum pour chaque atome, chaque molécule et chaque masse de matière.

Si le Fulcrum du mouvement fluctuant se trouve au centre d'une masse donnée, cela prouve qu'aucune autre force n'est en train d'agir pour interférer avec son échange rythmique normal d'énergie et qu'on peut le considérer en état d'équilibre avec son environnement.

Si, à l'inverse, une force est appliquée à la surface de la masse de matière qui n'est plus alors en équilibre à chaque point de sa surface, le centre de fluctuation (ou de mouvement) s'éloigne du point d'application de la force d'une distance suffisante pour maintenir ses propres conditions d'existence. Cela déplace cependant le fulcrum du mouvement vers une autre localisation dans la masse de matière. 

Si le fulcrum est le centre du mouvement, il est aussi le centre de la force ou énergie produite par ce mouvement.

Si nous tenons le raisonnement qu'il n'y a pas de mouvement au fulcrum mais seulement de l'énergie, nous devons admettre qu'il ne peut exister de perturbation fonctionnelle de la matière au fulcrum puisque la fonction nécessite du mouvement. Donc, si nous pouvons démarrer ou RE-démarrer tout mouvement et toute fonction à partir du centre ou fulcrum de tout mouvement, nous sommes alors à même de maîtriser la masse de matière et de la forcer à fonctionner selon l'état naturel de SON être propre (la façon dont elle a été créée pour fonctionner).

Cela se fait en déplaçant le centre ou fulcrum vers la zone de perturbation fonctionnelle et en laissant le mouvement S'AJUSTER LUI-MÊME à son état naturel . »

Pour l’ostéopathe dans le champ crânien, plus grande et plus profonde sera sa faculté d’écoute de l’immobilité, de la tranquillité et du  silence au sein des fulcrums,  plus grande et plus profonde sera sa puissance thérapeutique  et sa capacité à utiliser les fulcrums comme des ``portes de la perception’’. 

 

Au-delà des fulcrums l’ostéopathe découvre en outre que lorsqu’il observe ainsi le mouvement présent infusé par la respiration primaire dans le corps et son anatomie il rentre en résonnance avec lui et  l’augmente.

La précision du travail synchronisé de cette façon avec les fluides est quasi ``chirurgicale’’. Grâce à l’espace d’écoute plus conscient déployé dans la division de l’attention, l’ostéopathe peut avoir de l’anatomie vivante une vision à la fois précise et signifiante. WG Sutherland nous dit alors que des mouvements d’un millième d’un pouce ( l’épaisseur d’une feuille de papier ) semblent agir sur la puissance ou sur le fluide .

 L’augmentation par résonnance de cette respiration est un bras de levier pouvant mettre en mouvement un schéma de tension tissulaire et fluidique   vers un nouvel équilibre correcteur signalé par un temps de repos du mouvement, le Still-point .

C’est durant ce moment d’immobilité et de tranquillité que semblent être communiquées aux tissus une vitalité et une capacité à retrouver une meilleure fonction. 

On parle ici d’une transmutation des forces contenues  potentiellement dans les fluides.

L’ostéopathie dans le champ crânien,  décrit la perception d’un champ d’énergie débordant le corps anatomique mais prenant naissance dans un axe central électrique, la ligne médiane. C’est au contact de cet axe énergétique que le LCR et à travers lui tous les liquides et fonctions du corps reçoivent une vitalité visible dans le corps fluide comme un ``fluide dans le fluide’’. Celui-ci lorsqu’il est consciemment perçu apparaît comme une lumière liquide . 

Au contact de ce champ électromagnétique   et  au-delà de sa lente circulation physique dans l’enceinte contenant le LCR, une fluctuation longitudinale se manifestant comme une marée naît à partir du coccyx et remonte vers le crâne en luttant contre la gravité. C’est cette onde de nature énergétique que l’on peut, en portant son attention, entre autre,  dans l’espace circonscrit entre une couche joignant la dure mère et l’arachnoïde et une couche constituant la pie-mère percevoir comme un ruisseau sous la glace . 

 WG Sutherland compare  la perception de ce  potentiel électrique contenu dans le liquide céphalo rachidien à celui contenu dans le liquide d’une batterie de voiture.

C’est la  présence et l’utilisation de cette  fonction énergétique essentielle cachée au sein  du Liquide-Céphalo-Rachidien et de tous les autres fluides baignant le corps qui rend possible une véritable transmutation énergétique de la force vitale . 

Ce champ de force vitale fluidique est respiré selon un rythme de 2 à 3 cycles par minute et WG Sutherland le compare à une marée, ``a tide’’. 

Afin de diagnostiquer et traiter efficacement l’ostéopathe doit  dans le champ crânien apprendre à  perce``voir’’ distinctement et  évaluer précisément la  réponse au mouvement respiratoire primaire  des différents éléments composant le mécanisme respiratoire primaire décrit par WG Sutherland: 

1 La puissance inhérente produisant la fluctuation longitudinale centrale et la force vitale comme une batterie, en évaluant sa qualité on peut mesurer et remédier à la capacité de réaction au traitement du patient.

2 La fonction des membranes méningées et de leurs duplications en faucilles  organisant leur tension réciproque autour du Fulcrum de Sutherland, suspendue le long du sinus droit, qui se comporte comme un levier de vitesse équilibrant l’ensemble du mécanisme entre un schéma inhalatoire d’ouverture en  rotation externe et un schéma exhalatoire de fermeture en rotation interne.

3 La motilité du système nerveux central et périphérique qui bouge comme un têtard s’inclinant en avant lorsqu’il inhale la puissance vitale et se redressant lors de l’exhalation du mécanisme respiratoire primaire, le cerveau s’enroulant autour de ses cavités ventriculaires et le canal médullaire se raccourcissant lors de l’inhalation et s’allongeant à l’exhalation.  

4 La mobilité suturale des os du crâne en particulier et le mouvement intra osseux du squelette dans son ensemble accompagnant la motilité du système nerveux central et la tension réciproque des membranes méningées qui le protège en l’enserrant. Organisée autour  de la symphyse sphéno-basilaire la respiration du crâne osseux offre l’image plus ou moins symétrique de l’éclosion d’une fleur lorsque que sa tige monte et d’une fermeture lorsque cette même tige descend.  

 5 Et enfin la mobilité involontaire du sacrum et du coccyx entre les iliaques reflète la qualité fonctionnelle du bassin et de son contenu viscéral.

Comme un chef d’orchestre l’ostéopathe doit avoir une vision à la fois globale et analytique de l’activité du mécanisme. Il doit en ressentir et respecter la puissance, le tempo et le ton. Alors son action thérapeutique s’accordera à l’esprit de vie qui commande ce mécanisme. 

 

Plus loin, quittant la perception du seul corps anatomique et fluidique, l’ostéopathe commence à connaître plus consciemment, dans les  pas du Dr WG Sutherland et du Dr  Rollin Becker une expérience plus large  concernant la nature du principe vital animant son patient. À partir de ce point c’est l’approche dite bio-dynamique de l’ostéopathie dans le champ crânien qui décrit le mieux le chemin qu’emprunte l’ostéopathe. 

Conciliant les éléments mécanistes et vitalistes contenus dans l’enseignement du Dr WG Sutherland D.O et du Dr  Rollin Becker D.O  l’approche bio-dynamique permet à l’ostéopathe de reconnaître la nature spirituelle du principe vital qui anime et centre son patient. 

Arrivée à ce point, l’expérience perceptuelle ostéopathique décrit par les Dr  WG Sutherland et Rollin Becker  s’effectue dans un cadre conceptuel  fondamentalement  spiritualiste.

 

C/ Le modèle spiritualiste : l’approche dite  bio-dynamique de l’ostéopathie dans le champ crânien et le travail avec le partenaire silencieux enseigné par le Dr Rollin Becker  D.O.

 

Elaboré par le Dr James Jealous D.O , le modèle bio dynamique  rend compte de l’enseignement et de la pratique tardive de WG Sutherland. 

Reprenant dans un parcours pédagogique efficace les principaux éléments de l’ostéopathie dans le champ crânien, il  prolonge et approfondit les recherches de WG Sutherland et de R Becker.

Arrivé à cette étape de son voyage, l’ostéopathe doit apprendre à s’en remettre à l’esprit de vie qui commande la machine humaine afin  de participer plus consciemment à un traitement dirigé par l’intelligence du partenaire silencieux  que le Dr Rollin Becker D.O évoquera  fréquemment à la fin de sa vie.

 C’est en comprenant grâce au Dr Rollin Becker D.O l’importance d’attendre avant de débuter un traitement que le patient abandonne sa volonté à celle de la Marée  que J. Jealous a formulé l’idée du neutre alchimique du patient. Parvenu à un véritable état de réceptivité dans lequel le corps physique, le corps Fluide et le corps de Puissance du patient apparaissent unifiés et disponibles, l’intelligence et la volonté de l’esprit de vie peuvent enfin être engagés. 

Le neutre du patient établit, le modèle bio-dynamique décrit ensuite  la possibilité de prendre conscience et d’agir sur les grands carrefours embryologiques   de l’anatomie à travers la perception des forces embryogéniques toujours à l’œuvre et reliées au souffle de vie. 

Le Dr Jealous D.O relève la similitude des schémas de forces ressenties dans le corps fluide avec les schémas de forces épigénétiques observées dans l’embryogénèse par l’embryologiste   Dr E.Blechschmidt  .

La perception de cette anatomie embryologique  et des forces qui l’animent réclame une élévation de la qualité d’attention et la conscience d’un fluide dans le fluide que WG Sutherland désigne comme étant une lumière liquide. 

C’est notamment en traitant son patient comme s’il s’agissait d’un nourrisson que l’ostéopathe aura la surprise de voir apparaître dans son espace intérieur ``imaginal ‘’ une anatomie embryonnaire révélant tout à la fois la grande unité tissulaire et fonctionnelle dynamique du corps et la relation vivante que celui-ci entretient avec l’environnement naturel dont il fait partie.

En faisant plus de silence mental, en ralentissant et en prenant plus de champ et toujours par division de l’attention, on peut observer la totalité du patient en équilibre dans son espace fluidique répondre à l’influence extérieure de la grande marée . 

Ici la clé permettant d’entrer est de porter son attention divisée sur la ligne médiane électrique que l’on peut sentir reliée de l’intérieur du 3° ventricule au coccyx . 

En plongeant notre attention dans cette ligne nous pouvons percevoir qu’elle est lumineuse et qu’autour et à partir d’elle se diffuse une lumière liquide au sein même du fluide. 

L’image de  grande marée désigne la perception d’une force plus profonde que la marée perçue à l’intérieur du corps fluide. C’est une  modalité  plus ample et plus lente   de l’influence exercée par la grande force respirant à travers toute la nature et que le Dr James Jealous D.O  désigne comme la Présence extérieure de la respiration primaire . 

Utilisant une métaphore océanique déjà utilisée par  le Dr Rachel Carson Phd, pionnière de l’écologie américaine, dans son célèbre livre ``The Sea around us’’     WG Sutherland décrit l’homme plongé dans l’influence de son environnement comme une maison de verre qui serait immergée dans l’océan toutes fenêtres ouvertes. 

Cette possibilité thérapeutique  mentionnée par WG Sutherland lorsqu’il indique la possibilité de travailler dans des espaces intermédiaires de l’anatomie : the  Space between . 

Poursuivant son exploration au-delà de la perception du corps anatomique et  du corps fluidique  on découvre un corps plus subtil centré par une ligne médiane ressentie  comme possédant un potentiel inhérent   et une intensité électrique . 

Et au-delà enfin on peut percevoir directement le souffle de vie.

Aussi WG Sutherland déclare-t’- il : « Regardez cet espace entre l’anatomie. Qu’est ce qu’on y trouve ? Le fluide. Et si vous regardez dans l’espace entre le fluide, vous trouverez autre chose. Puis si vous regardez  dans l’espace ``entre cela ‘’ vous trouverez l’expression matérielle de la vie qui revient. »

La découverte de chacun de ces corps est accessible par un ajustement de la perception qui doit s’accorder à une qualité de  Stillness  ou quiétude  toujours plus complète et plus profonde .

Lorsque l’activité mentale du patient s’est apaisée , que l’activité de son système nerveux autonome s’est équilibrée émerge pour l’ostéopathe la possibilité de percevoir le mouvement respiratoire primaire involontaire qui anime naturellement le corps du patient . 

La Santé peut alors apparaître à l’ostéopathe comme une puissance , une réalité tangible insufflant inlassablement vie et mouvement présent au corps .

D’abord éprouvée comme une tranquillité et une immobilisation du  corps fluide , l’expérience perceptive de la tranquillité peut être ressentie à l’extérieur du patient. L’espace environnant semble alors se figer  devenant habité par une grande paix.  James Jealous parle alors d’un Stillness avec un grand S  ou d’un dynamic stillness . 

Afin de permettre l’exploration des relations que le corps entretient avec l’espace environnant, le  modèle pédagogique bio-dynamique invite l’ostéopathe à élargir sa division de l’attention.

 Plus la conscience perceptive extérieure de l’universel s’élargit plus sa conscience du corps et de ses fonctions s’approfondie comme un télescope  dont on augmente la focale . 

Ainsi au cours de la progression pédagogique l’ostéopathe est-il amené à écouter simultanément son patient, son corps fluide et l’espace contenu dans la pièce où il se trouve. 

Plus tard et plus loin sur son chemin à certains moments lorsque ce conditionnement perceptif tombe c’est la nature comme un grand océan qui semble se déverser dans la pièce dont les murs s’évanouissent. 

Plus loin encore la conscience des formes  disparaît et c’est la Présence de l’être qui habite son patient, lui-même et la nature qui prend alors pour l’ostéopathe le plus d’importance. 

La puissance inhérente perçue à travers le fulcrum des fluides se dévoile comme une présence intelligente, lumineuse et active . Afin de collaborer le plus consciemment et efficacement possible avec cette source vivante de Santé, l’ostéopathe doit  laisser se développer en lui une relation de confiance avec cette Présence.

 À mesure qu’il apprend à devenir véritablement attentif  à la Présence du souffle de vie au sein du patient,  il apprend à s’effacer et à connaître, aimer et servir la Santé de son patient. À mesure qu’il s’en remet de plus en plus consciemment et avec foi à cette Présence, c’est elle qui lui prête ses yeux, son intelligence et partage le poids de la responsabilité thérapeutique. 

Il peut alors reconnaître que  l'homme est fait à l'image et  à la ressemblance de Dieu  et comme AT Still voir Dieu dans la forme et le visage de son patient. 

Ou comme WG Sutherland réaliser que « le grand secret n’est pas de penser à vous, à votre courage ou à votre désespoir, à votre force ou à votre faiblesse, mais de penser à CELUI pour qui vous travaillez   ».

Rollin Becker a le mieux témoigné de cette expérience en parlant du travail  avec le partenaire silencieux  à l’intérieur du patient.

« Je peux en parler, mais je ne peux pas dire ce que c’est. Je peux seulement dire que mon Partenaire Silencieux, c’est le pur `` Je ‘’ représentant qui je suis réellement. C’est le même Partenaire Silencieux que le vôtre, le même Partenaire Silencieux que celui qui est dans la pièce et le même Partenaire Silencieux que celui de l’insecte que je vois ramper au sol. C’est le même Partenaire Silencieux et l’accepter, s’en remettre à lui, doit devenir une expérience consciente. Le Partenaire Silencieux n’est pas anthropomorphique, il est lui-même. Il faut juste établir un éveil, une connaissance consciente, mais à la seconde même où vous trouvez quelque chose sur quoi poser votre index mental intellectuel, ce n’est pas lui. Pourtant, c’est quelque chose qui existe . »

« Le Partenaire Silencieux est, et c’est tout ce qu’il y a à en dire. Donc, pourquoi ne pas l’appeler à agir ? Quand à évoquer la manière dont on y recourt, je vous ai donné la meilleure réponse possible, et lorsque je contacte le mien, je n’ai pas plus d’idée sur ce que je contacte que sur l’homme dans la lune. Parce que si je le savais, ce ne serait plus le Partenaire Silencieux. Cela le ferait être une partie de même nature que le monde limité ou tout ce que notre mental peut appréhender. Je le contacte, je m’en remets à lui et c’est aussi simple que cela. Si vous compliquez cela, vous êtes mort. Rien ne se produit. C’est tout ce qu’il y a à faire. » C’est ce qu’évoquait A. T. Still lorsqu’il parlait de : « Dieu, l’esprit de la nature. » C’est à cela qu’il se référait.

 

Question : cela voudrait dire qu’une partie de notre travail consiste à s’ouvrir à cela, à s’en remettre à Dieu ?

En fait, cela se résume à quoi ou à qui vous vous en remettez. Votre Partenaire Silencieux est un point d’appui ; il est absolument immobile. Il n’y a pas d’énergie en mouvement dans le Partenaire Silencieux, aucune. Il est tout énergie, mais elle n’est pas en mouvement. C’est en fait la source de l’énergie, l’état duquel vient l’énergie. Ce n’est pas de l’énergie en mouvement, c’est un pur potentiel. C’est omnipotent. Il n’y a aucun mouvement et c’est pourtant tout mouvement. C’est, tout simplement, et vous vous en remettez à lui. Sentez la tranquillité qui s’est développée dans cette pièce. C’est la même tranquillité et vous pouvez la ressentir mais ce n’est pas quelque chose auquel vous travaillez. Si vous y travaillez, vous le ratez. C’est une tranquillité vivante dont notre conscience en éveil peut être consciente. Cette conscience en éveil est avec notre grand Esprit, non pas notre petit esprit. La conscience, l’éveil, c’est l’acceptation de quelque chose.

Bien que cela puisse vous paraître ésotérique, c’est une expérience tangible. De temps en temps, lorsque je traite des patients dans mon cabinet, on pourrait prendre la tranquillité régnant dans la pièce, la couper au couteau, et en faire un igloo – ça vous donne une idée de cette tranquillité. Qu’est-ce que ça met en scène ? Je n’en ai pas la moindre idée, pas plus que de qui soigne. C’est là pour rencontrer le besoin de quelque chose qui suit son cours pour cet individu particulier. D’où ça vient et où ça va ? Ce n’est pas important. C’est un mode de vie, un mode de Vie avec un « V » majuscule. Voilà, ce que c’est. Ne le compliquez pas. Vous pouvez dès maintenant contacter votre Partenaire Silencieux, ainsi que celui de quelqu’un d’autre, puis vous en remettre à eux. Tout le monde peut faire ça. Nous avons tous les même ressources.

 

Il est possible d’apprendre à vivre dans la « présence », comme la nomme Joël Goldsmith, 24 heures sur 24. Mais nous l’oublions sans cesse, distraits que nous sommes par le monde qui nous entoure. Mais, en dépit du fait que nous marchons dans le monde, il est possible de s’abandonner à cette chose avec laquelle il suffit d’établir un contact. Le problème consiste juste à continuer de s’abandonner dans une expérience d’éveil conscient ; cela devient alors une habitude. Il est pratiquement impossible pour nous de le faire en permanence, parce que nous sommes des êtres humains qui vivons ce monde. Je suis fatigué, et en rentrant à la maison, quelqu’un me bloque et je deviens fou. Ainsi, c’est dur de le faire, mais c’est aussi simple que ça, un abandon conscient, personnel, supra-personnel, même, à cette tranquillité qui est une partie de notre être . »

Là, l’ostéopathie s’arrête et commence la guérison spirituelle et le domaine privé de la Foi.

Pour conclure, l’ostéopathie est donc pour moi une médecine et une philosophie clinique à la fois mécaniste, vitaliste et spiritualiste. C’est une véritable science, un  chemin et un enseignement traditionnel balisant les différentes étapes et obstacles que l’ostéopathe doit traverser dans l’approfondissement conscient de sa perception et ce, afin de parvenir à la puissance thérapeutique nécessaire pour servir au mieux la Santé de ses patients.